Ni aucun signe, ni aucune indication ne laissaient présumer, ne serait-ce qu'un instant, la nécessaire évacuation de ces doutes pourtant si souvent présents. Et pourtant, oui, pourtant, il était comme d'évidence que ces interrogations arriveraient tôt ou tard. Parfois, il est bon de réagir sur soi-même afin d'envisager la régulation d'un conflit interne entre ce que l'on présume bon pour soi, ce dont on a envie dans l'instant, ce que l'on croit réellement vouloir et ce qui semble nocif pour l'avenir. On poursuit le chemin sur lequel nous nous sommes aventuré ; non par courage, ni par loyauté ; mais plutôt par faiblesse. C'est bel et bien de la faiblesse : quel fou oserait remettre en cause ses acquis ? Quel saint d'esprit oserait contredire l'habitude dans laquelle il s'est si tranquillement – et peut-être même intelligement – posé ? Il serait bien trop ridicule de risquer gros pour des incertitudes de l'instant. Alors oui, on poursuit ce chemin, dans l'espoir – et est bien là l'hérésie la plus criante – de parvenir un jour à se contenter de ce que l'on a aujourd'hui.
Des choix parfois s'opèrent à un instant T. Ces choix, que l'on sait bons dans l'immédiate perception, sont envisagés par notre moi intérieur comme des décisions nuées de réflexion. Elles ne le sont pas. Elles restent simplement guidées par une envie subite – ne soyons pas si catégorique : envie murement réfléchie – qui elle provoquera le trouble à l'avenir. C'est elle qui, a posteriori, sera à l'origine des troublantes questions. Je ne suis pas le premier à l'exprimer. Nombreux auteurs ont tentés d'exprimer des faits sociaux par ce trouble du désir : par exemple, oui, le couple forme aujourd'hui une entité liée dans l'idéal par la présence d'un sentiment fort, d'un désir, d'une envie : l'amour. Lorsque ce sentiment s'atténue, s'ouvre alors le questionnement unitaire, débouchant, parfois, et fort heureusement, par le divorce. Il en est de même dans l'explication que je souhaite faire ici comprendre. On peut vouloir intensément quelque chose dans l'instant, former un tout idéal avec ce souhait sans pour autant évacuer la problématique obligatoire, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, du questionnement interne. C'est alors que l'on s'interroge sur la raison et surtout, surtout je dis bien, la réalité, de notre bonheur. Sommes-nous réellement heureux avec ce que nous avons ? N'y avait-il pas d'autres alternatives qui auraient pu d'avantage combler nos attentes ?
La simplicité de la décision est réelle. Par lâcheté – mais non, elle n'est pas apparente, si vous m'avez suivi, intérieurement, elle peut passer pour de la loyauté et du courage – on apprend à se satisfaire de ce que l'on a. Oui, car après tout, nous ne sommes pas si malheureux. L'absence de bonheur complet ne fait pas pour autant naître le dégoût de ce que nous possédons. Ou bien par courage – si vous m'avez à nouveau suivi, c'est à ce moment que l'on envisage la lâcheté – on passe à autre chose, on tourne la page. Parfois avec brio, parfois ... avec moins d'éclat. Mais comment être certain que ce que nous allons perdre ne sera pas plus important que ce que nous gagnerons. Et bien, rien ne peut l'assurer. Rien ne permet de dire que ce qui sera, dans le futur en notre possession, sera supérieur dans la satisfaction de notre désir. Après c'est à chaque personne de voir si oui ou non elle se sent capable d'abandonner ce qu'elle possède dans l'immédiat pour quelque chose d'incertain, simplement subodoré meilleur.
Ces choix sont fait toute la vie. Nombreux exemples, parfois flous je peux le concevoir, la ponctuent. Lorsque j'ai quitté ma Normandie, mon environnement lycéen, pour venir à Paris, dans l'enceinte d'une université que je ne connaissais que de par sa réputation, rien ne pouvait affirmer que je serais plus heureux pour autant. Les deux choix exprimés plus haut s'offraient pourtant à moi : rester, par loyauté – je tiens à rappeler une dernière fois que la loyauté ici est à envisager comme de la lâcheté et que la lâcheté, elle, est à envisager comme de la loyauté ; non, non, ce n'est pas si compliqué ... et puis, l'auteur, lui, ici se comprend – je ne quittais pas mes connaissances, je n'abandonnais pas mes amis, je ne désertais pas le foyer familial ; bref, une vie morne. Posée mais morne. Une vie qui n'était pas à la hauteur de mes ambitions. Ou bien, par lâcheté – et oui, ici, loyauté avec moi-même – je pouvais fuir – ce que j'ai fais – fuir le plus loin possible, pour attérir ici, à Paris, et tenter le Diable. Oui, le diable ... j'avais tout à redécouvrir. Tout à reconstruire. J'étais enfin seul avec moi-même. Libre de vivre comme bon me semblait – et me semble toujours, il va sans dire. J'aurais pu régretter à nombreuses reprises l'abandon de mon environnement précédent. Après tout, j'avais dérogé à la règle : je suis passé à autre chose, sans me retourner, sans y penser réellement. Le retour de bâton aurait pu être d'importance certaine : l'échec. Tout perdre ; car oui, à force de jouer, parfois, la perte peut être la conséquence logique. Et c'est à ce moment que le couple que je formais avec mon passé aurait bel et bien été détruit pour ... rien. Il se trouve que j'ai essayé ...
... Et que j'ai gagné. Un an après, presque jour pour jour, je dresse cette analyse en m'interrogeant : n'ai-je pas eu raison de quitter le carquant dans lequel je me sentais comme prisonnier ? A posteriori, bien entendu, la réponse n'est que positive. Mais il y a un an de cela ... l'aurait – elle été ? Après tout, j'étais encore dans l'ignorance la plus totale. Mes désirs auraient-ils nuis ? Je voulais venir étudier à Paris, à un instant que j'ai déjà appelé T. Etudes parisiennes que je savais bon dans l'immédiate perception. Mais à T+1 ou T+2 tout n'était encore qu'ignorance. Donc oui, un an après, je dresse un constat positif. Plus que positif. Je me sens renforcé par quelque chose. Je pense, très sincèrement, que ce quelque chose se nomme le courage. J'en suis certain désormais, j'ai eu du courage ; beaucoup de courage. J'en suis fier. Mais je ne suis pas le seul en l'espèce. Je ne suis pas le seul aujourd'hui mais, qui plus est, je ne suis que le digne successeur de nombreuses générations avant moi, et je ne fais qu'uniquement parti de la grande famille des précurseur où d'autres générations se succèderons après moi. Je n'ai rien inventé. Si ce n'est que ma vie. Et pour tout dire, ce n'est pas si mal.
Deux ans : mon départ pour les États-unis se rapproche. Avec cette expérience, ce « déjà vécu », je serais à même de réitérer mon choix, qui est tout ... à l'exception d'un exploit.